Une collègue m'a expliqué récemment que sa voisine très âgée avait une obsession. Elle partait tous les jours de bon matin pour remplir deux sacs des détritus qu'elle ramenait consciencieusement dans son appartement. Celui -ci devenait de plus en plus encombré et surtout de plus en plus malodorant. Cette personne présente un symptôme bien identifié en psychiatrie :
" le syndrome de Diogène ".
Cette pathologie se caractérise par le besoin d'accumuler toutes sortes d'objets inutiles dans son domicile. Elle porte aussi le nom de
syllogomanie.
On peut se demander si cette description ne peut pas s'appliquer à certains comportements professionnels qui consistent à conserver sous formes diverses, toutes sortes de documents avec la conviction qu'ils seront utiles un jour ou l 'autre.
Si d'aventure, vous constatez que sont déposés, autour de vous, de nombreux documents qui n'ont plus d'usage depuis longtemps, c 'est que probablement vous êtes porteur partiellement du syndrome de Diogene.
Le principe de " désencombrement " met clairement en évidence combien l'accumulation de documents peut conduire à la confusion. La méthode ACTE propose 4 comportements clés pour tenter de sortir de cette situation:
- A comme Action : il s'agit de transformer l'information en Action
- C comme Classer : Un bon système de classement thématique est une nécessité. Rappelons que celui-ci peut se construire en utilisant des codes de couleurs ou des codes numériques ou alphanumériques. Il est conseillé de faire également une liste des thèmes choisis de façon à pouvoir la consulter lorsqu'on hésite pour ranger un document. Les agents d'assurances, du fait de contraintes juridiques très fortes ont souvent mis au point des systèmes de classement particulièrement performants.
- T comme Transmettre : l'information est faite pour être distribuée. Un de nos clients avait fort justement communiqué l'organigramme de sa société en indiquant sous chaque intitulé de fonction les thèmes clés suivis par chacun de ses collaborateurs.
- E comme Éliminer. On estime environs à 30% le nombre de documents chaque jour à éliminer. Après avoir sélectionner les documents sans importance , il s'agit de les jeter à la poubelle. Cela suppose d'être capable de s'en séparer. Si la décision est relativement facile à prendre, le passage à l'acte est toujours plus difficile et souvent interminablement différé. C'est qu'en réalité l'attachement à certains supports ne relèvent pas de rationalité mais qui pourrait provenir selon
le psychanalyste Bleger du fait que nous déposons dans ces documents une partie de nos angoisses. Si l'attachement à ces documents est insurmontable il est toujours possible aujourd'hui de les numériser.
L'amoncellement de documents dans les différentes espaces de rangement physiques ou numériques peut conduire à la saturation de l'esprit. Non triées les informations constituent un stock de sollicitations non traitées. Elles entretiennent, visuellement, une certaine confusion de l'esprit. Ou, peut - être, à l'inverse sont elles au contraire l'expression d'une certaine "saturation cognitive" ?
Les deux hypothèses ne s'excluent pas et peut - être même se renforcent. Qu'elle qu'en soit l'origine, elles conduisent les individus à une forme d'intoxication ou indigestion cognitive qui génère habituellement "une rationalité plus limitée" associée à une de culpabilité latente du travail mal fini.
Le phénomène que nous décrivons n'est pas sans ressembler à ce que les physiciens appelent
"la clustérisation"
qui se définit comme "un rassemblement d'objets". Lorsque les objets (les molécules), sont en quantité importante et très proche les unes des autres, on parle de densité forte et de cluster dur. Lorsqu'on au contraire ils sont peu nombreux et éloignés les uns des autres, on parle de densité faible et de clusters mous.
Ce modèle est intéressant pour se représenter ce qui se passe dans l'esprit humain, lorsqu'il est confronté à des situations mentalement saturantes. La conscience est saturée d'injonctions non résolues qui conduisent peu à peu à ce qui ressemble à un état de "de panique sidérante". Le language populaire traduit bien cette situation : "J'ai tellement de choses à faire que je ne sais plus par quoi commencer" ou encore pour prendre une image plus proche de la métaphore du plongeur: " Je suis complètement noyé".
Les plongeurs utilisent également le terme de saturation pour designer ce qui se passe au cours de la plongée en profondeur. Plus le plongeur descend , plus la quantité azote de l'air respiré, sous l'effet de la pression, va augmenter et s'accumuler dans le sang. Ce phénomène se poursuit jusqu'à l'équilibre des quantités d'azote entre le corps et l'air des poumons.
Mais les problèmes commencent quand le plongeur remonte vers la surface, la pression diminue et la solubilité de l'azote fait de même. Si le plongeur remonte trop vite, la quantité d'azote sera trop importante et ne sera suffisamment pas éliminée par les poumons. Ce processus entrainera la formation dans le sang de bulles d'azote qui peuvent entrainer un arrêt cardiaque. On appelle ce phénomène la "sursaturation critique". C'est pour cette raison que les plongeurs doivent remonter par paliers pour assimiler puis rejeter progressivement ce surplus d'azote. .
Comme les plongeurs, l'esprit humain ne peut pas survivre en permanence dans un milieu "toxique". Il est nécessaire de temps à autres de revenir à soi. La méthode Templus a déjà identifié au moins deux " moments clés " :
- Le rendez vous du temps quotiden avec soi-même qui consiste à choisir les activités et tâches qui seront accomplies dans la journée et qui constitue aussi un temps d'évaluation des choix opérés la journée précédente.
- Des " temps d'exceptions " qu'on décide de consacrer à des activités répatrices. Ces temps peuvent être brefs. Ils relèvent généralement de la sphère privé. Il s'agit d'opérer un retour sur soi , en se libérant, même brièvement, de contraintes surmoiques ou trop idéalisantes qu'on s'est imposé ou qui nous ont été imposées.
Il est important d'avoir à l'esprit que l'excellence exigée par les organisations ne peut plus reposer sur le seul masochisme qui peut conduire à la " combustion de soi même "
(Aubert).
Cela passe aussi par la capacité à mieux gérer son énergie personnelle.